Bravo Ueli! "La force mentale ne s'acquiert que par l'action."

Je vais vous raconter une (courte) histoire. En 2005, au cours d'un trekking en Himalaya je suis passé par la Chola Pass. Un point de vue imbattable sur l'Amadablan, l'une des plus belles montagnes du monde.

Arrivé au refuge de la Chola Pass, à 5000 mètres d'altitude, je remarque un groupe de japonais avec un équipement lourd genre chaîne de télé. C'est la NHK. Les mecs sont en train de faire un documentaire pour raconter l'histoire de l'expé japonaise qui a vaincu la face Nord du Cholatse 20 ans plus tôt, après des jours et des jours de combat. Plusieurs alpinistes sont morts à la descente. C'est vrai qu'en regardant la face, on a froid dans le dos. 1500 mètres de paroi verticale en glace mixte, très raide et inhospitalière.

Après le dîner, je sors prendre l'air. Je regarde la fameuse face, en pensant à ces alpinistes japonais héroiques dont l'histoire va bientôt passer à la télé.... mais ? il y a une lumière dans la face. Une lampe frontale, très haut, presque au sommet....

ça tombe bien, le chef de l'équipe de la NHK sort à son tour. Je lui demande ce que signifie cette lumière en haut dans la paroi, et il me répond: "c'est un Suisse. Il est très fort. Il est parti d'en bas ce matin, il va certainement sortir demain matin".

C'était la première fois que j'entendais parler d'Ueli Steck. Le matin, quand je me suis levé, il avait déja fini son escalade.

Ueli vient d'avoir la récompense du Piolet d'Or à Chamonix, pour un exploit encore bien plus inconcevable: l'escalade en solo intégral (= sans protection) de la Face Sud de l'Annapurna, en 28 heures. Inconcevable je vous dis. Cette face que j'ai vu de près en 2009 lors d'un autre trekking m'a vraiment impressionné. La paroi de 2500 mètres très raides en glace et rocher est balayée par les avalanches. Elle a tué les plus grands, y compris Anatoli Boukreev, le héros malheureux de l'Everest de 1996.

Ce qu'a réalisé Ueli est peut-être le plus grand exploit personnel en alpinisme de tous les temps. Il a lui-même expliqué qu'il avait touché sa limite et qu'il était allé trop loin. Il est heureusement revenu vivant.

Il faut lire son bouquin Speed, dans lequel il raconte sa passion pour les escalades de vitesse, l'Eiger, la Face Nord du Cervin et des Grandes Jorasses en quelques heures, comme on fait un jogging. L'entrainement, énorme. Les dialogues avec les grands anciens, Profit, Bonatti, Messner.

Keep cool and live old Ueli !