La fin des medias ?

Les patrons de grands groupes Medias que je rencontre me disent que 15 à 35% de leur audience bloque la publicité, ce qui les prive d'autant de revenus. De fait, le nombre d'utilisateurs des ad blockers explose littéralement (+ 69% dans les 12 derniers mois selon un récent rapport de PageFair), et cela ne va pas s'arranger avec la récente annonce d'Apple qui va autoriser les bloqueurs de pub sur Iphone avec iOS9. L'annonce a fait chuter les cours de bourse des stars de l'Adtech telles que Criteo. Selon les pays, le traffic mobile représente déja 40 à 70% de l'audience des grands sites d'info, c'est vous dire l'impact de l'annonce d'Apple.

Au moment ou les medias sortaient un peu la tête de l'eau, leur modèle économique Internet commençant à s'équilibrer avec les nouvelles sources de revenu comme la publicité video et les liens "recommandés", l'affaire se complique encore avec l'arrivée des services de Facebook et Apple, Instant Articles et News, qui proposent aux internautes de consommer directement leurs contenus sans visiter ni leurs sites ni leurs Apps. Etant donné la puissance de ces deux plateformes, il n'y a guère de doute qu'une grande part de l'audience mobile des medias risque d'être absorbée. Les marques media ne seraient plus alors des sites de destination, mais seulement des producteurs de contenu. Avec le risque de perdre tôt ou tard le contrôle de leurs revenus publicitaires.

Mouvement tectonique

Face à ce mouvement tectonique, les dirigeants des plus grands media sont divisés. Certains ont déjà annoncé leur intention de jouer le jeu de Facebook et Apple, comme le New-York Times, le Guardian, le Spiegel ... pendant que d'autres assurent que jamais ils ne se laisseront faire (je ne citerai pas de nom).

L'argument majeur de Facebook ou Apple pour leurs services de distribution de contenus est l'expérience utilisateur. Il est plus confortable pour l'utilisateur Facebook de lire un article du Guardian directement sur Facebook, plutôt que de cliquer sur un lien externe, et d'attendre que la page du site de News se charge. Ceci est d'autant plus vrai dans le cas des nombreux sites de presse qui ne trouvent pas mieux à faire que coller un gros pop-up pour vous empêcher de lire un article quand vous venez de Twitter ou Facebook. Alors que le visites venant des réseaux sociaux sont autant d'opportunités de se faire découvrir et apprécier par de nouveaux lecteurs, on leur réserve trop souvent un accueil déplorable. L'erreur est de vouloir maximiser le revenu par visite, alors que ce qui compte c'est le revenu tout au long du "cycle de vie" des internautes. La pub doit les respecter! sinon ils ne reviennent pas.

La clé: l'expérience utilisateur

Si les medias ont un avenir, ce ne peut être qu'en portant une attention extrême à la qualité de l'expérience utilisateur qu'ils proposent. Si les abus continuent, les internautes vont massivement se défendre de ce qu'ils ressentent comme une agression publicitaire en s'équipant d'ad blockers (74% des internautes* estiment qu'être forcés de regarder une publicité ruine leur expérience en ligne). Les marques doivent comprendre que la pub forcée n'a aucune valeur, elle irrite les internautes, qui ne la regardent pas. Ainsi selon le rapport de Tubemogul pour le premier trimestre, 66% des internautes quittent la page en moins de 2 secondes quand ils sont exposés à une publicité video pre-roll non-skippable, alors qu'ils voulaient visionner une video éditoriale.

L'avenir des medias repose sur la publicité, mais la publicité peut aussi les tuer. Retrouvons le sens du respect de l'utilisateur, c'est l'intérêt des medias et celui des marques.

* source: Censuswide Research, Janvier 2015